Comment je suis devenue accro à la cafeine 1
L'année scolaire s'achève. Comme tous les ans les bilans s'écrivent avec leurs lots de satisfactions et d'échecs, avec des analyses et des propositions.
Jamais encore nous n'avions fait un bilan des cafés littéraires. Jamais. Sans doute parce que ces rencontres n'ont pas de fin, nos échanges trouvent rarement des conclusions radicales qui fermeraient les portes à nos découvertes.
Jamais.
Cela fait 5 ans maintenant. Je suis enseignante documentaliste au lycée François Villon aux Mureaux (78), par hasard. Cela fait 5 ans.
Notre métier est fait de rencontres.
Cela me paraissait compliqué de réunir un groupe d'élèves dans une démarche pédagogique de valorisation de la lecture. J'ai accueilli dans le CDI ceux qui le souhaitaient, autour d'un café et d'une pile de livres. J'ai accueilli sans savoir ce que serait ce premier café littéraire ni ceux qui allaient suivre.
Instaurer un échange
Il ne s'agissait pas de se réunir autour de l'analyse d'un ouvrage bon ou mauvais. Il ne s'agissait pas de discourir, d'ailleurs, sur ce qu'est la bonne ou la mauvaise littérature.
Il s'agissait de recevoir, de laisser venir, de voir se construire peu à peu un groupe de lecteurs apprenant ou partageant leur boulot de lecteurs :
Lire un texte
Ecouter la lecture d'un texte
Accepter qu'une lecture soit différente de la sienne
Découvrir de nouveaux univers, de nouvelles lectures, de nouvelles écritures.
Mon métier est : valoriser la curiosité.
Combattre les évidences
Devenir lecteur ce n'est pas simplement lire en silence... c'est s'ouvrir au monde, s'ouvrir à ce qui n'est pas immédiatement perceptible, renoncer aux évidences.
L'évidence qui dirait que le lieu où l'on parle des livres c'est le lieu où sont les livres. Nos CDI, nos médiathèques sont tellement tristes quand il n'y a que des livres serrés sur des étagères.
L'évidence qui sacraliserait des lieux et en ferait des lieux de silence et d'ordre.
Durant nos échanges, le CDI devient un autre lieu, un de ceux où l'on peut réagir, parler haut, rire grandement, manger, boire, adopter la posture souhaitée.
Renoncer à l'évidence qui laisserait croire que des élèves se réunissent autour de la parole crainte et sacrée d'un professeur de lettres.
Nous nous sommes donnés un règle : "nous ne sommes que des lecteurs"
Est-ce si simple ?
Affirmer "je suis lectrice" suffit-il à me présenter ? Non certainement mais cela devient la seule évidence possible lors des cafés littéraires. Il n'y a donc qu'un groupe de lecteurs. Tout le reste n'est qu'illusion. Le jugement peut alors simplement se porter sur le livre et non plus sur un lecteur dont on se refuse à dire s'il est bon ou mauvais.
Seule la vérité d'une lecture compte.
S'identifier
Je me souviens du jour où je les ai qualifiés de "buveurs de café", sans penser que d'une apostrophe ridicule ils construiraient une véritable identité.
5 ans. Bien plus qu'une vie de lycéen. 5 ans et ils sont toujours là à s'installer autour d'une table, à passer leurs lectures. 5 ans. Cyril et Chloé étaient encore là le 2 juin pour le dernier café de la saison, leurs partiels achevés. Cécile et Sarah auront leur bac dans quelques semaines.
S'il est vrai que les cafés littéraires se sont ouverts à tous : lycéens, enseignants, personnels du lycée et se déplacent épisodiquement à la médiathèque des Mureaux, ils restent indissociables des buveurs de café.
L'aventure grandit avec eux.
Ce blog est un espace créé pour eux.
Le besoin d'immédiateté
Nos échanges sont quasi exclusivement des échanges oraux. Ce n'est pourtant pas si simple : la lecture à haute voix, la prise de parole devant les autres, devant ceux qui nous sont inconnus.
L'écriture est indissociable de la lecture et inversement. Les buveurs de café n'ont pas le temps d'écrire. Ce temps ils le passent à lire...
Peut-être n'avons-nous pas assez discuté de ce temps, du temps que l'on s'accorde et de celui qui nous manque.
Peut-être faut-il penser que les rencontres ne se font pas seulement dans un dialogue immédiat, dans l'instantané des échanges. Les rencontres se font aussi dans l'échange que nous entretenons par écrit, avec l'écrit.
Je n'aurais pas l'arrogance d'écrire que je suis une buveuse de café. J'ai tendance à penser - et cela est déjà fort prétentieux - que je ne suis là que pour ouvrir un passage, un lieu, un temps.
Sans doutre le deviendrais-je le jour où à nouveau je renoncerais aux évidences, au lieu, à ma fonction; je ne serais plus alors qu'une lectrice accro à la caféine.
Voilà comment je suis accro à nos rendez-vous. Si à ces mots j'ai ajouté le chiffre 1 c'est pour annoncer d'autres impressions de buveurs de café. Qui sera le 2 et prendra le temps d'écrire ce que furent ces 5 ans ? Ce que sont devenus nos échanges ? Ce qu'ils doivent continuer à être ?
Qui sera le 3, le 5, le 10ème à avouer une certaine dépendance ? Combien sommes-nous d'ailleurs ? Reste-t-il à chacun la même sensation lorsque les tasses de café sont vides, les livres refermés, la parole tue ?
Si les buveurs de café sont une belle rencontre et les cafés littéraires une aventure, comment avez-vous vécu ces 5 ans ?
impressions à buveursdecaf@yahoo.fr
Jamais encore nous n'avions fait un bilan des cafés littéraires. Jamais. Sans doute parce que ces rencontres n'ont pas de fin, nos échanges trouvent rarement des conclusions radicales qui fermeraient les portes à nos découvertes.
Jamais.
Cela fait 5 ans maintenant. Je suis enseignante documentaliste au lycée François Villon aux Mureaux (78), par hasard. Cela fait 5 ans.
Notre métier est fait de rencontres.
Cela me paraissait compliqué de réunir un groupe d'élèves dans une démarche pédagogique de valorisation de la lecture. J'ai accueilli dans le CDI ceux qui le souhaitaient, autour d'un café et d'une pile de livres. J'ai accueilli sans savoir ce que serait ce premier café littéraire ni ceux qui allaient suivre.
Instaurer un échange
Il ne s'agissait pas de se réunir autour de l'analyse d'un ouvrage bon ou mauvais. Il ne s'agissait pas de discourir, d'ailleurs, sur ce qu'est la bonne ou la mauvaise littérature.
Il s'agissait de recevoir, de laisser venir, de voir se construire peu à peu un groupe de lecteurs apprenant ou partageant leur boulot de lecteurs :
Lire un texte
Ecouter la lecture d'un texte
Accepter qu'une lecture soit différente de la sienne
Découvrir de nouveaux univers, de nouvelles lectures, de nouvelles écritures.
Mon métier est : valoriser la curiosité.
Combattre les évidences
Devenir lecteur ce n'est pas simplement lire en silence... c'est s'ouvrir au monde, s'ouvrir à ce qui n'est pas immédiatement perceptible, renoncer aux évidences.
L'évidence qui dirait que le lieu où l'on parle des livres c'est le lieu où sont les livres. Nos CDI, nos médiathèques sont tellement tristes quand il n'y a que des livres serrés sur des étagères.
L'évidence qui sacraliserait des lieux et en ferait des lieux de silence et d'ordre.
Durant nos échanges, le CDI devient un autre lieu, un de ceux où l'on peut réagir, parler haut, rire grandement, manger, boire, adopter la posture souhaitée.
Renoncer à l'évidence qui laisserait croire que des élèves se réunissent autour de la parole crainte et sacrée d'un professeur de lettres.
Nous nous sommes donnés un règle : "nous ne sommes que des lecteurs"
Est-ce si simple ?
Affirmer "je suis lectrice" suffit-il à me présenter ? Non certainement mais cela devient la seule évidence possible lors des cafés littéraires. Il n'y a donc qu'un groupe de lecteurs. Tout le reste n'est qu'illusion. Le jugement peut alors simplement se porter sur le livre et non plus sur un lecteur dont on se refuse à dire s'il est bon ou mauvais.
Seule la vérité d'une lecture compte.
S'identifier
Je me souviens du jour où je les ai qualifiés de "buveurs de café", sans penser que d'une apostrophe ridicule ils construiraient une véritable identité.
5 ans. Bien plus qu'une vie de lycéen. 5 ans et ils sont toujours là à s'installer autour d'une table, à passer leurs lectures. 5 ans. Cyril et Chloé étaient encore là le 2 juin pour le dernier café de la saison, leurs partiels achevés. Cécile et Sarah auront leur bac dans quelques semaines.
S'il est vrai que les cafés littéraires se sont ouverts à tous : lycéens, enseignants, personnels du lycée et se déplacent épisodiquement à la médiathèque des Mureaux, ils restent indissociables des buveurs de café.
L'aventure grandit avec eux.
Ce blog est un espace créé pour eux.
Le besoin d'immédiateté
Nos échanges sont quasi exclusivement des échanges oraux. Ce n'est pourtant pas si simple : la lecture à haute voix, la prise de parole devant les autres, devant ceux qui nous sont inconnus.
L'écriture est indissociable de la lecture et inversement. Les buveurs de café n'ont pas le temps d'écrire. Ce temps ils le passent à lire...
Peut-être n'avons-nous pas assez discuté de ce temps, du temps que l'on s'accorde et de celui qui nous manque.
Peut-être faut-il penser que les rencontres ne se font pas seulement dans un dialogue immédiat, dans l'instantané des échanges. Les rencontres se font aussi dans l'échange que nous entretenons par écrit, avec l'écrit.
Je n'aurais pas l'arrogance d'écrire que je suis une buveuse de café. J'ai tendance à penser - et cela est déjà fort prétentieux - que je ne suis là que pour ouvrir un passage, un lieu, un temps.
Sans doutre le deviendrais-je le jour où à nouveau je renoncerais aux évidences, au lieu, à ma fonction; je ne serais plus alors qu'une lectrice accro à la caféine.
Voilà comment je suis accro à nos rendez-vous. Si à ces mots j'ai ajouté le chiffre 1 c'est pour annoncer d'autres impressions de buveurs de café. Qui sera le 2 et prendra le temps d'écrire ce que furent ces 5 ans ? Ce que sont devenus nos échanges ? Ce qu'ils doivent continuer à être ?
Qui sera le 3, le 5, le 10ème à avouer une certaine dépendance ? Combien sommes-nous d'ailleurs ? Reste-t-il à chacun la même sensation lorsque les tasses de café sont vides, les livres refermés, la parole tue ?
Si les buveurs de café sont une belle rencontre et les cafés littéraires une aventure, comment avez-vous vécu ces 5 ans ?
impressions à buveursdecaf@yahoo.fr